mardi 11 février 2014

Théorie du genre: mythe ou réalité?

La théorie du genre a fait couler beaucoup d'encre. Enfin, beaucoup d'encre a coulé en son nom. Mais qu'est-ce que c'est vraiment?
En fait, c'est bien tout là le problème, la majorité n'en sait rien, ou lui fait dire ce qui l'intéresse. Et dans les deux sens.
Certains vous diront qu'elle n'existe pas. D'autres qu'elle consiste à dire qu'elle nie toute réalité biologique pour ne laisser la place qu'au masculin et au féminin, produit de la culture, ou encore dans la même veine que le gender nie la signification du corps (biologique) et annonce qu'être homme ou femme n'est qu'une construction culturelle et sociale indépendant du biologique.
Ce qui pose déjà à la base un problème de définition.
Donc avant de parler de théorie du genre, il faut peut-être parler de genre. Notre ami wikipedia le définit comme un concept utilisé en sciences sociales pour parler des différences non biologiques entre hommes et femmes. Cela fait donc référence à des différences sociales, psychologique, mentales, économiques, démographiques, politiques... mais pas biologiques. Les études de genre, aussi appelées "gender theory" aux Etats-Unis (comme on parle de "litterature theory" pour les études de littérature par exemple), sont donc le vaste corpus qui va étudier les différences autres que biologiques entre l'homme et la femme (ce volet étant une science du vivant et non social). Et comme chaque ensemble, il est composé de nombreux éléments différents... ici, les positions s'affrontent et la valeur des apports est variable. Mais ce qui me semble important, c'est qu'il existe de très fortes oppositions en place à l'intérieur de ce corpus. Et les études récentes ont pour but soit d'affiner des positions plus anciennes, soit apporter de nouvelles positions, soit explorer de nouveaux domaines, dans le cas du genre en regardant comment les rapports entre féminins et masculin existent.
La sociologie moderne accorde beaucoup de force au pouvoir et aux jeux de pouvoir. Décliné avec le genre, cela donne les rapports de force qui existent entre homme et femme et comment l'utilisation de la masculinité et de la féminité permet de disposer de plus de pouvoir que l'autre. Là où Marx parle de lutte des classes en opposant prolétaires et bourgeois, Christine Delphy prend comme classes s'opposant hommes et femmes. D'un point de vue sociologique, on peut donc élaborer des théories liées au genre, prenant comme acteurs les hommes et les femmes, et utilisant le masculin et le féminin comme outil de domination, d'exploitation, d'asservissement d'un sexe par l'autre.
A partir de là, plusieurs problèmes naissent: les théories n'ont pas besoin d'être vérifiées pour être mises en place. La scientificité, qu'on réussirait à mettre en place en réussissant à faire correspondre les principes énoncés et les phénomènes observés, permettre de réaliser des prédictions ou encore résister à l'expérience, ne se posent pas quand la théorie n'est pas définie. Et l'objet d'un large champ d'étude n'est pas de réduire l'ensemble en une théorie fixe à laquelle on peut se référer. Et comme annoncé au départ, il n'y a pas de définition sociologique de la théorie du genre, les gens étudiant le genre n'étant eux-même pas d'accord sur les relations qui se jouent autour de cette question.
Partant de là, d'un côté on se retrouve avec des personnes qui étudient le genre, débattent, ont des controverses sur les liens entre sexe physiologique et genre sexuel défini par le cadre social (la culture); de l'autre on a des personnes qui ne reçoivent du genre qu'une image tronquée et portée par une frange de ceux qui étudient le genre et qui le comprennent comme une construction intellectuelle sans ancrage dans la réalité.
C'est donc ce grand écart qui me pose problème.
Il n'existe pas une théorie unifiée du genre. Le genre existe pourtant bien. Et ce genre est instrumentalisé pour certains combat. Historiquement, les études du genre se sont développées avec un rôle politique bien marqué et une volonté de modifier la société, alors que l'idée qu'il y ait d'un côté le naturel incontestable et de l'autre des constructions sociales existait déjà à l'époque moderne. Elles apportent un éclairage nouveau sur des problématiques bien réelles comme les troubles de l'identité pour des personnes qui sont biologiquement XX et qui se sentent hommes, XY et qui se sentent femmes, ou présentant le syndrome de Turner (X), de Klinefelter (XXY) ou étant triple X (XXX).
La distinction entre l'inné (mes cellules ont un chromosome Y ou non, donc je suis "mâle" ou bien "femelle") et l'acquis (le regard porté par l'individu sur lui-même, donc l'identité qu'il se construit, ainsi que le regard de la société) est poussé jusqu'à l'extrême pour des personnes qui entendent bien changer la société en profondeur et obtenir la fin d'un modèle présenté comme patriarcal et faisant la belle part aux hommes. Certains le présentent comme écrasant les femmes et les empêchant d'accéder à une égalité statistique dans les postes de pouvoir ou dans certaines filières d'études comme polytechnique, et l'idée est de renverser le modèle, de le déconstruire, pour obtenir une égalité arithmétique systématique.
Les études en elle-même, avant d'être instrumentalisées, ne nient pas les différences biologiques, mais c'est ce qu'on fait de celle-ci qui compte le plus. Des études montrent que les garçons sont plus attirés par le mouvement d'un objet et les filles plus par la texture et la couleur de celui-ci, d'autres que la culture jouent un rôle faible à négligeable dans les différences hommes-femmes pour ce qui concerne la personnalité. Ces différences, qui sont une richesse, n'empêche pas de considérer que certaines filles sont plutôt masculines et certains garçons plutôt féminins comme une réalité.
Je crois que je me suis un peu perdu, mais pour conclure, s'il n'y a pas de théorie unifiée du genre, il y a bien des études sur celui-ci, et elles sont instrumentalisées dans un intérêt stratégique pour modifier le politique, en mettant davantage l'accent sur certains points. Et la radicalisation des positions rend le dialogue difficile pour comprendre la position de l'autre. Le souci de la souffrance des uns, la peur de voir disparaître la structure père-mère-enfants comme modèle social des autres... des positions légitimes qui demandent de se pencher avec prudence sur ces thèmes, tout en étant prêt à accepter que l'autre a quelque chose de bon à nous dire, sans renoncer à ses idées et traditions, mais en renonçant à la prétention que celles-ci sont uniques et absolues (pour paraphraser l'homme de l'année 2013 selon certains journaux).

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