vendredi 20 juin 2014

De la piété

Deuxième serviteur du bonheur, peut-être aussi surprenant que la crainte, j'ai nommé... la piété!
(Et oui, c'était facile, c'était écrit dans le titre...)
Piété? Bonheur?
Comme certains ne voient dans la crainte qu'un paralysateur de bonheur, certains voient dans la piété qu'un opium faisant rêver à des paradis artificiels et inaccessibles...
Et pourtant!
La piété est en lien direct avec les religions. Et avec les sectes et les pseudos religions aussi d'ailleurs. Et d'autres groupes aussi.
La piété, c'est le lien qu'on entretient avec une divinité. Ou une idole. Ou une idée. On parle même de piété filiale au sein de la famille d'ailleurs.
Créer un lien avec quelque chose, c'est partager quelque chose. Et plus ce lien se renforce, plus les caractéristiques communes s'approfondissent.
Un enfant qui joue au foot parce qu'il admire une star manifeste une certaine forme de piété à son égard, et va chercher à devenir comme elle. C'est d'ailleurs pour ça qu'en matière éducative, il faut prendre soin des modèles que l'on choisit ou que l'on donne: leurs vertus et leurs vices vont devenir un modèle à suivre et façonner la personnalité des personnes. Dans l'autre sens, il faut faire attention au modèle que l'on est: nos vertus et nos vices sont un modèle qui sera suivi et façonnera les autres.
Je me souviens d'un prof de management (ou une matière un peu comme ça) qui demandait qui on admirait en matière de management (ou de communication). De fait, cette admiration était recherchée pour obtenir l'effet mimétique conduisant à devenir comme l'autre.
Ce qui va particulièrement nous intéresser ici, c'est la piété à l'égard des personnes heureuses, voire du bonheur lui-même.
Mourir le sourire aux lèvres, n'est-ce pas un passage vers l'après absolument fascinant? Puisqu'on meurt comme on a vécu, ces personnes et leur vie devraient être des modèles prioritaires à suivre. D'ailleurs, même les personnes qu'on rencontre et qui rayonnent de bonheur sont de bons modèles, inutile d'attendre le dernier jour! Au contraire! La piété génère de la proximité avec l'autre. Donc c'est bien mieux si la proximité se fait avec quelqu'un de vivant et avec qui on peut échanger!
En devenant comme l'autre, on vit aussi au rythme de l'autre: union dans la joie, la peine, les épreuves...
C'est pourquoi il faut faire très attention aux détournements possibles de la piété. Alors que la piété authentique va nous conduire à vivre de ce lien qui se construit, une piété détournée peut conduire dans les pièges du rigorisme et du laisser-faire, tout comme il peut être orienté vers la production d'un lien qui tue et aliène. Ainsi de la piété orientée vers des idoles comme l'argent ou une star déifiée: il y a alors mimétisme qui rend esclave, inquiet, irascible, extrême dans ses réactions et coupé du monde pour être tourné entièrement vers l'idole.
La piété repose très profondément dans la relation.
Plus la relation est faite avec quelque chose ou quelqu'un de bon, meilleure est celle-ci.
Plus la relation est intense et profonde, vivante, meilleure elle est également.
Les plus hauts degrés de piété sont donc ceux qui nous mettent en relation avec les personnes pleinement heureuses ou les plus à même de nous mener au bonheur.
La piété est donc école de bonheur. Sous un mode particulier, qu'il convient de creuser.
Un vaillant serviteur qui nous unit aux autres, et nous fait entrer dans le bonheur.


lundi 9 juin 2014

De la crainte

Après une séquence sur les fins dernières qui aboutit sur le paradis, je voulais aborder une nouvelle séquence s'enracinant dans la précédente, et parler à nouveau de bonheur.
Et sur les moyens d'atteindre le bonheur.
Je commencerai par parler de crainte.
Bonheur, crainte, anthitétique? Aucun rapport? Je ne pense pas...
Je vous propose la lecture de ces petits extraits du psaume 103-102 (1-2.11-12.19-20):
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés. Le Seigneur a son trône dans les cieux : sa royauté s'étend sur l'univers. Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles porteurs de ses ordres, attentifs au son de sa parole !
Qui fait écho à cette autre parole: « L’amitié de l’Eternel est pour ceux qui le craignent » (Psaume 25)
Parlons de crainte en générale.
La crainte, c'est le fait d'envisager que quelque chose est nuisible, dangereux... Est-ce que cela nous permet de parvenir au bonheur?
La douleur est quelque chose que l'on craint particulièrement. Elle vient nous rappeler qu'il y a des choses à respecter pour que notre corps continue de fonctionner correctement, dans son intégrité. Ceux qui ne ressentent pas la douleur sont de grands malades... S'ils se coupent, ils peuvent perdre beaucoup de sang sans s'en rendre compte, ils s'affaiblissent gravement. S'ils perdent un membre, ils ne peuvent plus s'en servir. S'ils maltraitent leur corps, ils ne répond plus.
La douleur va être le premier élément qui va m'intéresser pour la crainte car à peu près tout le monde la craint. On a peur de se faire mal, c'est qu'on ne veut pas souffrir, et l'expérience de la douleur est quotidienne. Certes, on ne se pince pas tous les jours les doigts dans une porte, ou notre petit orteil ne vient pas rentrer à pleine vitesse dans un pied de meuble toutes les cinq minutes... mais ça craint quand même...
La crainte implique une notion de fuite, de repoussement, d'éloignement. On ne veut plus rencontrer à nouveau une mauvaise expérience.
C'est quelque chose de bien.
Cela nous donne un repère fort.
Avec la crainte que je qualifierais "d'esclave", on fuit le mal parce qu'il est mal. Et c'est un appui précieux pour quiconque veut faire le bien.
J'insiste: la crainte du mal, de la douleur, de l'enfer, sont positivement bonnes et importantes. Avoir peur d'un père fouettard, tant que ça ne transforme pas les gamins en névrosés profonds paralysés de la vie, c'est plutôt une bonne chose. C'est particulièrement bon pour les enfants, pour ceux qui commencent.
Dans un nouveau métier, la crainte de l'erreur pour ce qu'elle nous attire comme ennui est belle et bonne.
Allons plus loin.
Si on veut progresser, on ne peut s'attarder éternellement sur la peur du mal en tant que tel, il faut s'intéresser aux conséquences négatives qu'engendre ce mal. Pour parvenir au bonheur, il faut conserver cette crainte en lui ouvrant de nouvelles dimensions.
Si on reprend la douleur, la crainte de se couper ne devrait pas se limiter à avoir peur de se faire mal, mais dépasser ce stade en incluant une peur de ne plus pouvoir se servir du membre coupé. Quand on utilise souvent sa main, on a peur de se l'abîmer, pas tant pour la douleur (particulièrement plus forte que pour beaucoup d'autres endroits du corps) que pour le handicap que cela occasionne.
On a peur des conséquences auxquelles fait écho la douleur. Ce n'est plus elle qu'on fuit seulement, mais ce pourquoi elle est là. Se brûler à en perdre la sensibilité à la chaleur (voire même au toucher), c'est vraiment dommage. Au-delà de la souffrance de la brûlure, cette question de la conservation de notre intégrité physique devrait se poser.
Ce deuxième niveau plus profond de crainte nous envisage le nuisible, le dangereux au niveau des conséquences négatives de l'acte bien au-delà de l'acte lui-même.
Pour notre question du bonheur, la crainte du mal ne peut se limiter au désagrément immédiat. Si on veut continuer son cheminement vers le bonheur, ils faut craindre le mal pour l'habitude à faire le mal qu'il développe, pour l'obscurcissement de l'intelligence qu'il opère, pour l'affaiblissement de notre volonté qui nous entrainera à poser des actes mauvais...
Un enfant ne va plus tant craindre ses parents pour les bêtises qu'ils puniront, que pour le mal que cela va leur causer. Voyant les conséquences que cela entraine, il va développer une crainte "filiale", qui lui fait fuir le mal pour les conséquences mauvaises qu'entraine le mal.
C'est quelque chose de très bon.
Cela nous donne une direction précise.
Mais cela n'enlève aucune valeur au niveau précédent de crainte. Cela dépasse la crainte d'esclave en l'ouvrant à plus beau et plus grand.
Essayons de pousser encore plus loin comme on peut, en montrant des pistes quitte à se tromper un peu...
Si on veut vraiment perfectionner notre quête du bonheur, et notre crainte, il faut complètement lui faire servir le bonheur.
On ne craindra plus seulement ce qui est nuisible et dangereux pour ce qu'il nous rappelle d'une mauvaise expérience, ni même pour le mal que celle-ci peut entraîner, mais pour le bien qu'elle ne peut pas produire.
Notre vie est limitée en temps. Tout ce qu'on a pas fait pour le moment, on ne pourra plus jamais l'avoir déjà fait jusqu'au moment où on en parle. Le temps non valorisé, non utilisé pour devenir heureux, est perdu.
La crainte de ne pas faire le bien, de perdre de notre capacité à faire le bien, à poursuivre notre bonheur, c'est bien autre chose que de fuir le mal.
C'est craindre de ne pas faire assez bien.
Pas pour paralyser et empêcher de faire, mais pour encourager à persévérer dans ce qui est bien pour atteindre ce bonheur.
La douleur, dans le cas d'un membre, est un allié précieux. C'est une belle et grande chose! L'avoir, c'est disposer d'un allié pour conserver la plénitude de nos moyens pour pourchasser le bonheur. Plus notre douleur sera fine, plus on pourra mesurer précisément ce qu'on risque de perdre comme moyen pour faire le bien.
Pour la brûlure qui fait perdre la sensibilité, il n'y a pas seulement la question de la perte d'un sens: au-delà, il y a la question du bien qu'on pourrait faire en plus avec la conservation de ce sens.
L'acte mauvais nous donne une accoutumance à faire le mal, nous empêche de faire ce qui fait notre bien, affaiblit notre volonté... tout cela nous écarte du bien. La crainte à son plus haut degré de service du bonheur ira craindre la perte d'habitude à faire le bien, à percevoir ce qui est bien et à agir au service de ce bien.
Elle est pleinement et positivement orientée au service du bien, du bonheur.
On peut parler alors pour des amis, voire pour des époux même d'une crainte de ne pas rendre assez l'autre heureux. Cela les poussera à vouloir toujours plus parfaitement et pleinement servir l'autre pour son bonheur. On pourra parler de crainte "amicale", voire même "sponsal" tant qu'à faire.
C'est quelque chose d'excellent.
Cela nous pousse toujours en avant.
Mais cela n'enlève toujours rien à la crainte "d'esclave", et cela n'enlève rien non plus à la crainte "filiale". Au contraire, cela vient les courroner en les englobant et en les orientant vers la seule chose qui compte vraiment: le bonheur.
La crainte est donc très puissante lorsqu'elle se développe pour nous aider à conquérir notre bonheur.
Accepter de recevoir la crainte, lui ouvrir notre coeur et notre esprit, c'est nous ouvrir au bonheur, d'une façon bien particulière.
La crainte: serviteur du bonheur? Je pense que oui.

samedi 7 juin 2014

Sur le paradis

Je souhaitais clore cette petite série traitant des fins dernières. Et comme je ne pouvais pas finir sur une note triste comme le précédent message sur l'enfer, je me devais d'écrire une note joyeuse avec un message sur le paradis.
Parce qu'enfin voilà! Notre but! Le bonheur! Et pas un petit plaisir terrestre qui ne dure qu'un temps: le bonheur éternel!
Il y a dans l'âme une soif inextinguible, un besoin irrépressible d'au-delà. Ce que l'on goûte ici-bas ne dure qu'un temps, puis passe...
L'homme attend le bonheur. Il y a au fond de lui de désir ardent, quelque part, de bonheur.
Notre conscience, qui nous récompense par la joie lorsqu'on fait le bien et qui nous punit par la tristesse quand on fait le mal, nous donne ce désuir de retrouver la joie et de la garder pour toujours.
Il faudrait que je fasse un long détour pour justifier de la joie, mais enfin, c'est ce que l'on ressent quand ce qui doit être fait... est fait. Ca prend différente forme: la satisfaction du devoir accompli, la paix dans le coeur, la douceur d'un sourire... parfois plusieurs en même temps, parfois une seule...
Notre conscience, disais-je, doit tendre vers ce but, vers ce bien, vers le bonheur.
Et il me semble qu'il n'y a qu'hors du temps, dans l'infini que l'intelligence trouve pleine satisfaction, dans le choix définitif d'un acte posé librement que notre volonté trouve son plein accomplissement. Lorsque le temps s'arrête pour nous, à la mort, quand la matérialité ne nous retient plus, quand le temps perd de son emprise, ce qu'il y a d'immatériel en nous perd son emprise sur le monde matériel et se retrouve face à elle-même, avec une visibilité pleine sur sa propre vie. Le choix de s'ouvrir au bonheur ou de s'en éloigner, c'est l'usage pleinier et définitif de la volonté, c'est le summum de la responsabilité: poser un acte dont on assume toutes les conséquences, en pleine connaissance de cause.
Et être responsable, c'est quand un oui est un oui et quand un non est un non.
Le choix du bonheur, possible par tous et vers lequel on devrait tous tendre, c'est ce qu'on appelle le paradis.
Il y a des paradis sur terre. Ils sont dans les personnes qui sont vraiment heureuses, dans celles qui se tournent résolument vers ce qui les rend heureuses, même s'il leur en coûte.
Le bonheur n'est pas un plaisir niais, un état gnangnan sans douleur, ou une transe perpétuelle. Le bonheur, c'est vivre librement de ce qui est bon pour nous. Poser des actes bons. Bien vivre. Quelques exemples?
Il y a ces êtres qui sont détachés de l'argent et qui peuvent vivre aussi bien avec que sans. Aucun souci ne peut venir perturber la paix profonde qui les habite comme leur liberté à l'égard de la monnaie ou des possessions. Vivant comme si rien n'était à eux, tout leur appartient.
Il y a ces êtres qui compatissent à la souffrance des autres, et vivent au rythme du coeur des autres. Unis dans la souffrance, ils sont aussi unis dans la joie, et toutes les causes de joie pour les autres est une raison pour eux d'être heureux. Le malheur ne durant qu'un temps, tout le bien qui arrive aux autres après une période difficile est bien qui leur arrive aussi.
Il y a ces êtres qui ne blessent jamais les autres, ni par leurs actes, ni par leur bouche, ni même par leurs pensées. Leur rapport aux autres est plein de bienveillance, et ils ne cherchent pas à dominer les autres, mais humblement à prendre leur place sans vouloir enlever celle des autres. Vivant comme ne revendiquant rien qui ne soit aux autres, tout ce qui est à tout le monde est leur.
Il y a ces êtres qui cherchent sans cesse à récompenser ce qui est bien et à empêcher que ce qui est mal n'arrive. Accomplissant au mieux le bien par leurs propres moyens, et fuyant tout autant la possibilité de faire le mal, ils sont récompensés en profitant de la joie de ceux qui font le bien.
Il y a ces êtres qui finissent toujours par pardonner le mal qui leur est fait, et vont toujours plus vite dans le pardon. Parce qu'ils auront beaucoup pardonné, on leur pardonnera beaucoup. Le mal n'a plus de prise sur eux, et leur relation avec les autres est toujours pétrie d'amour.
Il y a ces êtres qui ne voient que le bien en chaque chose. Leur regard est tellement lumineux et tellement capable de discerner ce qu'il y a de bon en toute chose qu'ils ont la vision du bonheur.
Il y a ces êtres qui travaillent ardamment à la promotion de la paix par tous les moyens, qui mettent toutes leur force pour que leur lieu de vie soit plein de paix et bons rapports entre les personnes. Ils sont les héritiers du bonheur.
Il y a ceux qui souffrent pour que le bien triomphe et utilisent tous les moyens à leur disposition pour faire avancer la reconnaissance de ce qui est bon et le recul de ce qui est mal. Ils sont l'annonce du bonheur pour tous ceux qu'ils rencontrent, et déjà la vie réalisée de ce bonheur.
Il y a des êtres qui sont insultés, persécutés, bafoués, trahis, parce qu'ils défendent ce qui conduit au bonheur. On veut les faire taire car ils portent la bannière de la liberté réelle et du bonheur authentique. Plein d'une influence positif dans la réalisation du bonheur pour ceux qui les entoure, ils vivent déjà et préparent ce bonheur éternel qu'ils poursuivent.
Ces êtres vivent déjà du bonheur qui les attend. Une lumière intérieure les habite.
Unis aux autres.
Heureux.
Libres.
L'intelligence lumineuse de la lumière du bonheur, la volonté affermie dans le choix répété du bien, ils ne peuvent que choisir le bonheur authentique qu'ils ont pourchassé toute leur vie.
La béatitude éternelle qui leur sera offerte pourra être acceptée et elles s'ouvriront au bonheur.
Le paradis est le lieu, l'état du bonheur.
Il y a des paradis sur terre: on a le temps pour les trouver, mais ils sont partiels, ils ne durent qu'un temps.
Il y a un paradis sans fin après la terre: prenons le temps se préparer pour y entrer à jamais!

vendredi 6 juin 2014

Sur l'enfer

Qui a encore peur aujourd'hui de l'enfer?
Parler des fins dernières, c'est aussi parler de l'enfer. Ce que nous sommes, le temps d'une seule vie, ce que nous faison, dans sa dimension éternelle, implique une justice à dimension éternelle.
Une des façons de se débarasser de l'enfer aujourd'hui, c'est de croire en la réincarnation. C'est bien expliqué ici. Se réincarner, c'est se donner toujours une seconde chance, c'est se déresponsabiliser à cause d'un passif dont notre vie actuelle ne serait pas responsable, c'est tendre vers la disparition de soi dans un grand tout et la mort du désir. Se poserait donc le problème de ce qui persisterait réellement dans sa dimension immatérielle, après la mort.
Or, si on passe sa vie à poser des actes bons qui nous libèrent et nous rapprochent du bonheur, si on pose des actes mauvais qui nous aliènent et nous coupent du bonheur, alors on forme notre volonté et notre intelligence, on la modèle, on la fait devenir quelque chose de tout à fait unique et propre. Dans sa dimension morale que ne pourra pas avoir un robot par exemple, notre intelligence s'affine ou s'obscurcit, notre volonté se déploit ou se referme, le temps qui nous est imparti, jusqu'au moment de la mort.
Le choix positif d'aller vers le bonheur, ou le non-choix de refuser le bonheur et s'en éloigner par incapacité à le recevoir est un acte possible à cause de notre liberté.
La liberté est ce qui nous permet de dire oui, mais à condition qu'on puisse aussi dire non. La liberté parfaite consiste à toujours dire oui à ce qui nous mène au bonheur authentique.
L'enfer, c'est se couper de ce bonheur. Etre enferré dans une incapacité d'aller vers notre bonheur.
Ici-bas, on voit déjà des damnés qui disposent heureusement d'encore un peu de temps pour se tourner vers le bonheur et se sauver.
Il y a ces êtres prisonniers de leurs ventres qui ne vivent que comme esclaves de la nourriture. Ce mauvais maître leur ruine la santé pour les gloutons obèses comme pour les anorexiques maigrichons, ou les emprisonnent pour ces mesureurs de calories à tout crin...
Il y a des êtres prisonniers du sexe qui ne voit l'autre qu'à travers le sexe, perdent leur temps et leur énergie en masturbation, pornographie, dragues inutiles et romances d'un soir...
Il y a ces êtres prisonniers de la tristesse de ne pas être ou de ne pas avoir, qui jalousent le bien des autres et envient ce qu'ils sont. Leur coeur est empli d'amertume et leur langue salit tous ceux qu'ils cotoient...
Il y a ces êtres prisonniers de leur vengeance, qui veulent eux-mêmes se faire le glaive de la justice, quitte à marcher sur cette justice pour aller plus loin, à travers une passion bouillonnante comme à travers le calcul froid et méthodique. Qu'ils s'emportent pour de mauvaises raisons ou au-delà du raisonnable, ils ne savent pas s'arrêter tant qu'ils n'ont pas anéantit tout ce qu'ils pouvaient, in fine eux-mêmes.
Il y a ces êtres prisonniers de l'argent, qui ne vivent que par lui et pour lui. Mauvais maître, il ronge l'âme d'inquiétude et plonge dans le désespoir lorsqu'il se retire. Il éloigne des proches et isole dans une peur panique du lendemain.
Il y a ces êtres prisonniers d'une autre tristesse, celle de ne pas agir. Les prisonniers de l'immobilisme. Le temps passe, le devoir appelle, ils restent dans leur néant, dans la procrastination, dans l'inaction. L'être est fait pour vivre, agir, faire, ils se meurent lentement, repoussent, s'occupent.
Il y a ces êtres prisonniers de leur égo. Indépendants refusant les autres ou de devoir quoique ce soit à qui que ce soit, égoïstes rapportant tout à eux et ne vivant que par et pour eux-mêmes... même combat du toujours moi.
Ces êtres, disais-je, s'ils sont trop prisonniers et malheureux en posant régulièrement et de plus en plus des actes qu'ils les enferment en eux-mêmes, meurent comme ils ont vécu.
Seuls.
Tristes.
Esclaves.
L'intelligence noircie d'avoir passé sa vie orienté vers autre chose que le bonheur véritable, la volonté paralysée de ne pouvoir que choisir des biens qui éloignent du bonheur authentique, ne peuvent pas accéder à un bonheur qu'ils ont refusé tout le temps de leur vie.
Le salut qui leur serait offert pourra être refusé et elles s'enfermeront en elles-mêmes. N'ayant pu s'ouvrir aux autres, elles se ferment à jamais.
L'enfer est le lieu, l'état où il n'y a pas de bonheur.
Il y a des enfers sur terre: on a le temps de s'en sortir, ils sont partiels, ils ne durent qu'un temps.
Il y a un enfer sans fin après la terre: prenons le temps de se préparer pour ne jamais y entrer.

mercredi 4 juin 2014

Sur la justice pour l'éternité

Pour continuer ma réflexion sur les fins dernières, après avoir écrit sur l'être et le temps, sur la portée éternelle de nos actes, je voudrais aborder la notion de justice et sa dimension éternelle.
Qu'est-ce que la justice? C'est rendre à chacun selon son du. Punir le mal, récompenser le bien.
Prise comme une habitude, la justice devient la volonté constante et ferme de donner à autrui ce qui lui est dû. A autrui, et à tout en fait. On parle même de religion pour la justice envers Dieu.
La justice est parfois aveugle et impitoyable: juste, punissant et récompensant, mais sans amour, mécaniquement. Est-ce une justice insuffisamment poussée? Qui n'irait pas assez loin? Ou bien la justice doit être aidée par autre chose pour ne pas être l'instrument froid du chatiment comme de la récompense?
On représente parfois la Justice de façon allégorique avec les yeux bandés, jugeant les situations de façon impartiale. Ce serait déjà un grand bien, mais ce serait triste et insuffisant.
La récompense pour un acte bon posé par l'homme est une libération de cette personne lui permettant de poser à nouveau des actes bons et en même temps une plus grande ouverture au bonheur.
La punition pour un acte mauvais posé par l'homme est une aliénation de sa liberté l'entrainant à poser des actes mauvais et en même temps le coupant du véritable bonheur.
L'intensité des actes va directement influer sur ce qui est dû: un acte vécu pleinement avec beaucoup d'amour ouvre grandement au bonheur et favorise grandement les prochains actes bons, quand un acte vécu avec beaucoup de malice va obscurcir profondément la personne et lui cacher le bien, l'entrainant davatage dans le mal.
Il y a un changement de regard: une personne habituée à faire le mal ne verra même plus en quoi ce qu'elle fait est mal, le regard est profondément noirci; une personne habituée à faire le bien verra davantage le bien produit par ses actes, et illuminera son regard.
Le temps est limité ici-bas, et le nombre d'actes que l'on pose est limité. Dans ce temps qui nous est donné, les actes ont tous une portée éternelle puisqu'ils nous font évoluer dans ce qu'il y a de plus immatérielle en nous: l'intelligence et la volonté.
A la mort, en l'état où se trouve notre intelligence, avec sa clarté et son obscurité, et en l'état où se trouve notre volonté, prompte à courir vers le bien ou incapable de se tourner vers lui, il y aura jugement.
Justice sera accomplie: la volonté se tournera vers le bonheur et le choisira, ou s'en détournera et le fuira. Si on n'est pas tout de suite en état d'être pleinement orienté vers le bonheur, mais qu'on le choisit, alors il y a un passage temporaire, un état intermédiaire d'attente durant lequel on se tourne vers ce bonheur.
La récompense pour le bien se fera dans la mesure de notre empressement dans notre vie à aller vers le bonheur et à l'accomplir, si on choisit le bonheur.
La punition pour le mal se fera dans la mesure de notre aveuglement et notre usage destructeur du mal, si on choisit de se couper du bonheur.
Dans sa dimension finie, l'intelligence et la volonté auront une sanction (récompense ou punition) finie.
Dans sa dimension  infinie, elles en jouiront ou en pâtiront éternellement, de façon infinie.
Il me semble que ce n'est que justice.
Alors, pour profiter du plus grand bonheur possible, d'un bonheur authentique et véritable, c'est maintenant que se pose pour nous cette question: puisque la justice a une dimension éternelle, qu'est-ce que j'attends (et comment) courir vers la récompense qui me sera due!

mardi 3 juin 2014

Sur l'acte et l'éternité

Je poursuis ma réflexion sur les fins dernières qui m'avait fait aborder l'être et le temps pour toucher aujourd'hui la dimension éternelle des actes posés dans le temps.
Comme je l'avais indiqué en reprenant saint Augustin dans ses confessions, le seul moment sur lequel on peut agir, c'est maintenant. Le passé n'est plus, le futur n'est pas encore, il n'y a que maintenant.
L'éternité est souvent définie de façon négative: hors du temps, enfermée dans son immobilisme, autre chose... Hors, Benoit XVI, quand il n'était encore que cardinal, décrivait ainsi l'éternité comme le présent contemporain à tous les temps, la force créatrice qui porte tous les temps et qui englobe le temps en son unique présent et lui permet d'être.
Positivement, l'éternité est d'une nature différente du temps et englobe tous les présents. Comme une éponge qui s'imbibe complètement d'eau et finit par en être partout constituer sans perdre sa nature d'éponge, le temps est plein de l'éternité sans perdre sa nature de temps. On a plus tendance à comparer le temps à un fil ou un cercle... Et bien, le fil du temps, si on l'imbibe de colorant rouge, sera tout le temps rouge et plein de cette couleur, qu'on peut retrouver hors du fil, mais qui est présente en tout point du fil. C'est pareil avec l'éternité qui est toujours présente au présente.
L'acte posé existe pour toujours. Lorsque toutes les traces semblent s'effacer, cela reste gravé dans l'histoire éternelle. Il y a une dimension éternelle dans chaque acte puisqu'ils sont posé un jour, et ne peuvent plus ne pas avoir été fait alors.
Une bêtise comme casser un vase, on peut la regretter, la réparer en collant les morceaux ou en rachetant un autre vase, mais on ne peut pas revenir en arrière.
Une blessure, une coupure, peut parfois être guérie en laissant une cicatrice: c'est la marque simultanément de l'existence passée de la blessure qui se poursuit au-delà et de la guérison de celle-ci qui marque le passage à un après.
Dans sa dimension surnaturelle d'être raisonnable doté de volonté, l'homme imprime de façon immatérielle en lui-même tout ce qui le libère et l'élève comme ce qui l'aliène et l'enferre. Cette histoire personnelle s'écrit dans le temps avec pour chaque acte posé une préparation au dernier acte, celui qui inscrit le choix dans l'éternité du bonheur ou du malheur.
Parce qu'un jour il n'y aura plus de temps pour cet immatériel de l'homme, mais seulement l'éternité, le choix de son positionnement dans l'éternité s'exerce dans tous les choix précédents qui ont donc une portée éternelle.
Le seul acte digne d'être posé, c'est le choix du bonheur.
Que chacun de nos actes nous poussent à choisir toujours plus notre bonheur, par un choix authentiquement libre.

lundi 2 juin 2014

De l'être, et du temps

Dans mon message précédent, j'ai abordé de façon un peu confuse le thème des fins dernières.
Commencer par la fin, c'est tout de suite fixer le but vers lequel on veut tendre.
Quel général ne compte ses soldats et les forces adverses avant de se lancer dans la bataille? Et s'il ne peut gagner, trouve une échappatoire pour éviter une boucherie inutile?
Quel architecte commence la construction d'une maison avant d'en avoir établi les plans? Et s'il ne peut prévoir toutes les salles, ne ménage des issues de secours pour pouvoir continuer la construction?
Quel coureur ne regarde devant lui vers la ligne d'arrivée? Et ne prépare sérieusement son entraînement pour assurer la meilleure performance possible?
Ainsi, ce n'est pas prendre les choses complètement à l'envers que de dire que là où on va et ce qui compte vraiment, c'est le bonheur.
Utopie?
Notre vie sur terre a un début (la conception 9 mois avant la naissance), une fin (on ne connait pas grand monde qui soit encore en vie 200 ans après la naissance), et entre les deux, un présent qui court, qui court...
Un présent du passé, qui s'actualise dans notre mémoire. Il a coulé comme l'eau entre nos doigts, et nous n'avons plus de pouvoir sur lui.
Un présent du futur, qui s'actualise dans notre imagination. Il n'est pas encore là, mais il ne cesse de venir à nous.
Un présent du présent, qui est le seul lieu de notre pouvoir et de notre action. Si on veut chercher le bonheur, alors il faut agir maintenant. En étudiant le passé, en scrutant l'avenir, en vivant dans le présent et en agissant maintenant.
Le temps nous échappe, bientôt il n'y en aura plus pour nous.
Que faire?
Les minéraux ne peuvent rien. Ils attendent et subissent le travail du temps. Ils sont la passivité même.
Les plantes croissent et luttent sans cesse pour vivre et se reproduire. Elles travaillent dans le temps et vivent avec lui. Elles prennent le temps de prendre leur temps. Lorsque l'hiver dure encore, et que les premiers rayons du printemps brillent au travers des cieux, elles se préparent déjà à l'été, sans rien savoir et en réagissant passivement à leur environnement sans prise sur lui. Elles réagissent de façon passive. Il y a plus d'être dans la réaction que dans l'inaction.
Les animaux se développent à travers un outil supplémentaire et façon: les sens. Au fil du temps, ceux-ci s'affinent puis s'usent et leur permettent de réagir à leur environnement en apprenant à le connaitre. Il y a chez eux une connaissance sensible du monde qui devient de plus en plus grande. Cette connaissance qui se développe aussi dans l'imitation leur permet de reproduire sans les comprendre tout un panel d'actions fascinantes. Ils agissent de façon active. Il y a plus d'être dans l'action que dans la réaction passive.
L'homme "dispose" d'un outil encore plus fascinant, tout en possédant tous les autres précédemment cités: l'intelligence. Il comprend et réfléchit le monde. De l'esprit, il l'englobe tout entier et dépasse la connaissance sensible pour la connaissance intellectuelle. Celle-ci s'affine au fil du temps, et permet à travers la volonté de choisir ce qui semble bien et ce qui semble mal. Le temps le travaille. Il y a plus d'être dans l'action volontaire que dans l'action instinctive.
Le temps dont nous disposons ne devrait être utilisé que pour accroître notre être, et l'être le plus utile et le plus haut. Pour l'homme, c'est l'intelligence et la volonté. On ne devrait penser nos journées, nos vies que dans le but de comprendre authentiquement ce qui est bien et mal, et d'y soumettre nos comportements pour tendre entièrement vers le bien, vers le bonheur.
A la mort, on aura plus le temps de différencier le bien du mal, de choisir le bien plutôt que le mal. Ou plutôt, à l'instant de la mort, avec ce qu'on aura pu distinguer du bien et du mal, on choisira pour de bon le bien pour nous qui est le bonheur ou le mal pour nous qui est de s'en séparer.
La vie est trop courte pour ne pas en profiter dès aujourd'hui pour discerner notre bonheur et le poursuivre!
Il est grand temps de trouver ce qui nous rend pleinement heureux... et de le poursuivre!