lundi 9 juin 2014

De la crainte

Après une séquence sur les fins dernières qui aboutit sur le paradis, je voulais aborder une nouvelle séquence s'enracinant dans la précédente, et parler à nouveau de bonheur.
Et sur les moyens d'atteindre le bonheur.
Je commencerai par parler de crainte.
Bonheur, crainte, anthitétique? Aucun rapport? Je ne pense pas...
Je vous propose la lecture de ces petits extraits du psaume 103-102 (1-2.11-12.19-20):
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n'oublie aucun de ses bienfaits ! Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés. Le Seigneur a son trône dans les cieux : sa royauté s'étend sur l'univers. Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles porteurs de ses ordres, attentifs au son de sa parole !
Qui fait écho à cette autre parole: « L’amitié de l’Eternel est pour ceux qui le craignent » (Psaume 25)
Parlons de crainte en générale.
La crainte, c'est le fait d'envisager que quelque chose est nuisible, dangereux... Est-ce que cela nous permet de parvenir au bonheur?
La douleur est quelque chose que l'on craint particulièrement. Elle vient nous rappeler qu'il y a des choses à respecter pour que notre corps continue de fonctionner correctement, dans son intégrité. Ceux qui ne ressentent pas la douleur sont de grands malades... S'ils se coupent, ils peuvent perdre beaucoup de sang sans s'en rendre compte, ils s'affaiblissent gravement. S'ils perdent un membre, ils ne peuvent plus s'en servir. S'ils maltraitent leur corps, ils ne répond plus.
La douleur va être le premier élément qui va m'intéresser pour la crainte car à peu près tout le monde la craint. On a peur de se faire mal, c'est qu'on ne veut pas souffrir, et l'expérience de la douleur est quotidienne. Certes, on ne se pince pas tous les jours les doigts dans une porte, ou notre petit orteil ne vient pas rentrer à pleine vitesse dans un pied de meuble toutes les cinq minutes... mais ça craint quand même...
La crainte implique une notion de fuite, de repoussement, d'éloignement. On ne veut plus rencontrer à nouveau une mauvaise expérience.
C'est quelque chose de bien.
Cela nous donne un repère fort.
Avec la crainte que je qualifierais "d'esclave", on fuit le mal parce qu'il est mal. Et c'est un appui précieux pour quiconque veut faire le bien.
J'insiste: la crainte du mal, de la douleur, de l'enfer, sont positivement bonnes et importantes. Avoir peur d'un père fouettard, tant que ça ne transforme pas les gamins en névrosés profonds paralysés de la vie, c'est plutôt une bonne chose. C'est particulièrement bon pour les enfants, pour ceux qui commencent.
Dans un nouveau métier, la crainte de l'erreur pour ce qu'elle nous attire comme ennui est belle et bonne.
Allons plus loin.
Si on veut progresser, on ne peut s'attarder éternellement sur la peur du mal en tant que tel, il faut s'intéresser aux conséquences négatives qu'engendre ce mal. Pour parvenir au bonheur, il faut conserver cette crainte en lui ouvrant de nouvelles dimensions.
Si on reprend la douleur, la crainte de se couper ne devrait pas se limiter à avoir peur de se faire mal, mais dépasser ce stade en incluant une peur de ne plus pouvoir se servir du membre coupé. Quand on utilise souvent sa main, on a peur de se l'abîmer, pas tant pour la douleur (particulièrement plus forte que pour beaucoup d'autres endroits du corps) que pour le handicap que cela occasionne.
On a peur des conséquences auxquelles fait écho la douleur. Ce n'est plus elle qu'on fuit seulement, mais ce pourquoi elle est là. Se brûler à en perdre la sensibilité à la chaleur (voire même au toucher), c'est vraiment dommage. Au-delà de la souffrance de la brûlure, cette question de la conservation de notre intégrité physique devrait se poser.
Ce deuxième niveau plus profond de crainte nous envisage le nuisible, le dangereux au niveau des conséquences négatives de l'acte bien au-delà de l'acte lui-même.
Pour notre question du bonheur, la crainte du mal ne peut se limiter au désagrément immédiat. Si on veut continuer son cheminement vers le bonheur, ils faut craindre le mal pour l'habitude à faire le mal qu'il développe, pour l'obscurcissement de l'intelligence qu'il opère, pour l'affaiblissement de notre volonté qui nous entrainera à poser des actes mauvais...
Un enfant ne va plus tant craindre ses parents pour les bêtises qu'ils puniront, que pour le mal que cela va leur causer. Voyant les conséquences que cela entraine, il va développer une crainte "filiale", qui lui fait fuir le mal pour les conséquences mauvaises qu'entraine le mal.
C'est quelque chose de très bon.
Cela nous donne une direction précise.
Mais cela n'enlève aucune valeur au niveau précédent de crainte. Cela dépasse la crainte d'esclave en l'ouvrant à plus beau et plus grand.
Essayons de pousser encore plus loin comme on peut, en montrant des pistes quitte à se tromper un peu...
Si on veut vraiment perfectionner notre quête du bonheur, et notre crainte, il faut complètement lui faire servir le bonheur.
On ne craindra plus seulement ce qui est nuisible et dangereux pour ce qu'il nous rappelle d'une mauvaise expérience, ni même pour le mal que celle-ci peut entraîner, mais pour le bien qu'elle ne peut pas produire.
Notre vie est limitée en temps. Tout ce qu'on a pas fait pour le moment, on ne pourra plus jamais l'avoir déjà fait jusqu'au moment où on en parle. Le temps non valorisé, non utilisé pour devenir heureux, est perdu.
La crainte de ne pas faire le bien, de perdre de notre capacité à faire le bien, à poursuivre notre bonheur, c'est bien autre chose que de fuir le mal.
C'est craindre de ne pas faire assez bien.
Pas pour paralyser et empêcher de faire, mais pour encourager à persévérer dans ce qui est bien pour atteindre ce bonheur.
La douleur, dans le cas d'un membre, est un allié précieux. C'est une belle et grande chose! L'avoir, c'est disposer d'un allié pour conserver la plénitude de nos moyens pour pourchasser le bonheur. Plus notre douleur sera fine, plus on pourra mesurer précisément ce qu'on risque de perdre comme moyen pour faire le bien.
Pour la brûlure qui fait perdre la sensibilité, il n'y a pas seulement la question de la perte d'un sens: au-delà, il y a la question du bien qu'on pourrait faire en plus avec la conservation de ce sens.
L'acte mauvais nous donne une accoutumance à faire le mal, nous empêche de faire ce qui fait notre bien, affaiblit notre volonté... tout cela nous écarte du bien. La crainte à son plus haut degré de service du bonheur ira craindre la perte d'habitude à faire le bien, à percevoir ce qui est bien et à agir au service de ce bien.
Elle est pleinement et positivement orientée au service du bien, du bonheur.
On peut parler alors pour des amis, voire pour des époux même d'une crainte de ne pas rendre assez l'autre heureux. Cela les poussera à vouloir toujours plus parfaitement et pleinement servir l'autre pour son bonheur. On pourra parler de crainte "amicale", voire même "sponsal" tant qu'à faire.
C'est quelque chose d'excellent.
Cela nous pousse toujours en avant.
Mais cela n'enlève toujours rien à la crainte "d'esclave", et cela n'enlève rien non plus à la crainte "filiale". Au contraire, cela vient les courroner en les englobant et en les orientant vers la seule chose qui compte vraiment: le bonheur.
La crainte est donc très puissante lorsqu'elle se développe pour nous aider à conquérir notre bonheur.
Accepter de recevoir la crainte, lui ouvrir notre coeur et notre esprit, c'est nous ouvrir au bonheur, d'une façon bien particulière.
La crainte: serviteur du bonheur? Je pense que oui.

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